L’Institut de hautes études internationales et du développement ne sera plus tout à fait le même sans Mahmoud. Nous perdons tout à la fois un grand chercheur en histoire et politique internationales, un enseignant exceptionnel, notre directeur de la formation continue et notre directeur adjoint. Avant de rejoindre l’institut au début des années 2010, Mahmoud avait été chercheur associé à l’Institut Ralph Bunche sur les Nations unies à New York, directeur associé du programme Humanitarian Policy and Conflict Research à Harvard, ministre des Affaires étrangères de la Mauritanie et directeur adjoint du Centre de politique de sécurité, Genève.
Récompensé par de nombreux prix
Le chercheur lègue une œuvre académique et critique riche et très originale. Intellectuel brillant, il a repoussé les frontières de la recherche sur des enjeux clés comme le terrorisme, la violence politique, les nouvelles formes de conflits, le state-building, les transitions démocratiques et l’histoire du racisme. Ses travaux lui ont valu le Prix du Collège de France en 2017 et le Global South Distinguished Award de l’International Studies Association en 2021. Mahmoud savait partager largement son analyse et sa compréhension du monde: ses interventions dans les médias ou lors d’événements à l’Institut nous donnaient toujours l’impression d’être plus intelligents après.
Davide Rodogno (à g.) et Mohammad Mahmoud Ould Mohamedou, professeurs d’histoire à l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) de Genève, en décembre 2020. — © Mark Henley / Panos Pictures pour Le Temps
Le professeur a marqué des générations d’étudiant·es mais aussi de professionnel·les. MMM (comme ses étudiant·es l’appelaient avec tendresse) était un enseignant passionné et passionnant, exigeant mais juste, un Maître comme on disait autrefois. Il prenait très au sérieux son engagement pédagogique et partageait sans compter son temps, sa profonde compréhension des dynamiques historiques et contemporaines, sa rigueur, son énergie intense et son humanité.
Un professeur «gratuit»
Cette humanité était sa marque de fabrique. Mahmoud était un homme d’une intégrité, d’une générosité, d’une authenticité et d’une élégance exceptionnelles. Comme il aimait à le dire: «Je suis gratuit.» Il incarnait la conception de la diplomatie qu’il défendait: ouvert au dialogue avec tous, toujours, il croyait fermement à la collaboration internationale et à la paix.
Farouchement engagé contre toute forme d’injustice, de discrimination et de racisme, il a fait valoir ses arguments bien au-delà du monde académique. Cinéphile, passionné de littérature, de musique mais aussi de football, il restera l’une des figures les plus marquantes, les plus aimées et admirées de l’histoire de l’institut. Il va terriblement nous manquer, mais son héritage nous inspire et nous incite à continuer dans la direction qu’il a tracée.
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Cet hommage a été publié dans Le Temps le 19 septembre 2024.